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Diviser pour mieux régner ?

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                                          Grandes lignes d’une apologie de la Discorde.

Mariage de Thétis et Pélée par Edward Burne Jones (1873). Tous droits réservés. Birmingham museums and art gallery.www.bmag.co.uk. Eris en bleu à droite, lance la pomme de la discorde parmi les convives, à la suite de quoi succède la guerre de Troie.

Mariage de Thétis et Pélée par Edward Burne Jones (1873). Tous droits réservés. Birmingham Museums and Art Gallery. http://www.bmag.co.uk.
Eris en bleu à droite, lance la pomme de la discorde parmi les convives, à la suite de quoi succède la guerre de Troie.

« Celui qui, lors d’une ‘stasis’ dans la cité, n’aura pas pris les armes avec l’un des deux partis, qu’il soit privé de ses droits et n’ait plus part à la cité » – Solon (propos rapportés par Aristote dans Les politiques.)

 

La stasis, à la fois discorde, sédition et stabilité induite par le « lien de la division » (Nicole Loraux) semble générer l’effroi d’un agir politique conflictuel à l’ère du tout s’achète, se vaut et se dit. « Idiotie » selon les termes énoncés par Périclès, de ceux/celles qui refusent la confrontation par le logos– raison en acte- au sein de l’espace public par repli, indifférence, caprice ou irénisme. Bien sûr, les athéniens n’étaient pas étrangers à l’angoisse de la division- pour autant, impossible d’éviter les manifestations « impropres » au sein de la polis, car citoyens concernés et responsables de l’orientation de la cité et du bien vivre. Le caractère « impropre » des actions publiques,  lesquelles ne souffrent guère d’une dichotomie avec la pensée ou ladite ‘théorie’ – car toute pensée est mode de la praxis, résident en ce qu’elles ne relèvent pas des intentions (personnelles), croyances, nécessités ou appartenances identitaires. « Sphère de visibilité » selon Hannah Arendt, au sein de laquelle les citoyen-n-es sont juges.

Mais bien entendu, quelle hérésie est-ce là que cette notion barbare : jugement ! Espace public (post)moderne imbibé d’incantations judéo-chrétiennes sous fond pornographique : «  Ne juge pas si tu ne veux pas être jugé [ajoutons à cela – mes seins, mes cuisses, mes fesses, outils pratiques de revendications ou bien parties à vendre, soit encore le  voile d’impureté pour une affirmation fière d’assujettissement sous-couvert spirituel – ‘c’est mon choix, tu n’as rien à dire’) », les évangiles réactualisés – voilà que l’on exhorte nos congénères d’être dans notre tête, notre moi profond, « soïté » souveraine et tel un commandement divin, nous devrions nous y soumettre sans la moindre critique, rédemption et paix assurées. Ainsi Gilles Lipovetsky définit-il l’espace public de telle sorte qu’ «  à mesure que le narcissisme croît la légitimité démocratique l’emporte, fût-ce sous le mode cool » (L’Ere du vide, 1989).

Autrui est nous-mêmes, gardons-nous donc de penser, d’échanger, bref de communiquer – que chacun-e soit à notre image ou se taise à jamais. « Diviser pour mieux régner » dit le proverbe romain (et les manuels de sociologie qui aiment à considérer les groupes sociaux comme des troupeaux) –mais il n’en a jamais été question. En effet, considérons (a contrario)  la thèse bien connue de Pierre Clastres – que nous n’aborderons pas dans le détail dans cette mini-chronique d’été sous le signe de la bonne humeur- dans son Archéologie de la violence (entre autres) concernant les sociétés ‘sans Etat’.  Ainsi nous déclare l’anthropologue, le pouvoir politique des sociétés primitives prend racine dans le social. Et ce n’est qu’avec l’émergence de l’Etat qu’apparaissent les divisions au sein de la communauté dont l’instance étatique a pour mission de canaliser. Malheur donc la tribu Tupi Guarani qui laisserait entrevoir les germes d’une émergence étatique, lorsque les chefs n’en ont pas assez de leur rôle de médiateurs et se posent en prophètes. Il semble que les contradictions des interprétations de Clastres soient plus ou moins évidentes.

Premièrement et crucialement pourrions- nous ajouter, comme l’a souligné Claude Lefort dans Ecrire : à l’épreuve du politique (1995), il est assez hâtif de conclure que la domination résulte de la division, lorsqu’elle est manifestement coutume dans les sociétés primitives ‘unifiées’. Le pouvoir politique est un pouvoir social, ‘institué’ et non conçu comme ‘instituant’ (à l’inverse de la Grèce ancienne). La loi est celle des ancêtres et n’est pas à la vue du corps social, elle n’est pas pensée. Au contraire, des rituels de scarifications sont pratiqués pour graver la loi ancestrale sur le corps – discuter sur le légitime ou l’illégitime, juger en somme, n’est  même pas envisageable. Ainsi pour régner, il faut que la figure de l’ « Un » oriente, domine, homogénéise. Mais cela n’est pas la seule condition. Pour régner, l’investissement pluriel de la sphère publique doit être tout simplement empêché (et la sphère en question est inexistante). Comme le rappelle Hannah Arendt dans La Crise de la culture (1961), le tyran règne parce qu’il n’y a pas d’intervalle entre les citoyen-n-es, intervalles qui permettent la rencontre d’antagonismes, l’échange et la confrontation – contrairement à la ‘distance’ : « Un Etat où il n’y a pas de communications entre les citoyens et où chaque homme ne pense que ses propres pensées est par définition une tyrannie ».

Ainsi le jugement, cette « faculté politique par excellence » souligne l’auteure, est ce qui garantit l’espace public au sein duquel les citoyen-n-es communiquent et agissent. Pratiqué par les Athéniens et conceptualisé par Aristote, celui-ci indique que le jugement relève de la « raison pratique » (nous praktikos), et puisque ne dépend d’une vérité contraignante, requiert la prudence, laquelle sous-tend le « bon agir ». Qu’il n’y ait pas d’énoncés irréfutables ne dédouanent pas les citoyen-nes de leur responsabilité d’élucidation, au contraire, juger doit donner lieu à des propositions dont la portée est potentiellement générale. Ainsi en termes kantiens, « penser de manière élargie », n’équivaut pas (du tout !) à se mettre à la place de l’autre comme si ses propositions valaient indépendamment de considérations intermédiaires, mais à évaluer les jugements « possibles » pour étayer ou contredire le jugement qui est le nôtre et en faire un énoncé valide et partagé.

Point de narcissisme à l’horizon, point de compassion à l’égard de bonnes intentions, point de pitié pour lesdites opprimées – mais un investissement franc et digne de la sphère politique.

La division est l’indice de maturité politique d’une organisation sociale – le conflit étant la traduction politique des divisions sociales. La mise en question et la contestation explicites des fondements des principes, et non seulement la dénonciation des normes sociales, la sédition en somme, est ce qui donne lieu à l’unité – « discriminons pour mieux gouverner », et non régner pourrait-on dire. La discrimination étant celle de principes et non d’individu-es a priori– contre toute hypocrisie consensuelle qui prétendrait à l’œcuménisme aseptique, faisant de la cité une puissance agrégative de « différences » prétendument incarnées, indiscutables et indiscutées.

Aussi, l’exercice des capacités politiques requièrent une prise de position dont il est possible de justifier clairement les fondements face aux concitoyen-nes– autrui n’étant pas soi-même, et le ‘for intérieur’ étant par définition … intérieur et non mondain. Ces divisions vont de pair avec l’institution d’une « bonne constitution politique » (eunomia, la bonne loi, l’ordre)- du moment qu’elles ne sont pas patho-logiques (hybris) ou catégorielles et manifestent un souci quant au bien public.

Ce cadre général de l’aspect créateur du conflit permet d’entrevoir les pratiques alternatives possibles pour les groupes politiques, et de femmes tout particulièrement.

Ainsi avons-nous souvent déclaré : « le patriarcat divise la classe des femmes », ce qui en apportant attention, ne veut rien dire. Comment le ‘patriarcat’ pourrait-il diviser la ‘classe des femmes’ si cette classe est l’objet du système en question ? Une fois encore, l’affaire n’est pas de division de celles dont on a accaparé les capacités politiques d’agir précisément et explicitement de façon singulière et concerté – mais justement, de la déférence à l’égard du corps masculin, dont les principes de constitution ne devraient en rien être contestés.

Ce qui semble être en fait entendu, est que les femmes ont des intérêts communs en tant que classe définie comme « opprimée », et que toute légitimation et identification aux significations patriarcalistes relèvent d’une aliénation, car ne savent pas ou éventuellement volontaires. La notion de « servitude volontaire » implique au passage que l’on ne peut se satisfaire de la définition étymologique de l’aliénation – à moins de faire du sociologisme. Il existe des déterminations et des facteurs qui conditionnent le comportement, mais ne le déterminent pas en tout et pour tout. Connaître les rouages de la domination ne conduit pas à sa contestation, ce qui montre en l’occurrence que l’émancipation n’est pas affaire de calcul et d’immédiateté.

C’est ainsi que la notion de classe comme objet, de classe ‘objective’ reste également discutable. Il n’y a de classe des femmes que parce qu’il y a mobilisation des femmes qui manifestent un tort au sein de la sphère politique. Ni avant, ni après. Et c’est précisément l’analyse et la compréhension des faits, sociologiques, anthropologiques, etc. qui permettent de « s’identifier à la cause générale» (Jacques Rancière) pour instituer des normes juridiques notamment, et pour ce faire, l’on ne peut se passer de la faculté de juger.

La précision des revendications dénotent ainsi sans confusion la teneur politique du féminisme. Le féminisme n’est pas une propriété privée, de même qu’assumer le conflit ne consiste pas à  se cacher derrière des slogans fourre-tout, succédés d’un «C’est mon choix ». Ce qui ne se justifie pas n’a pas sa place dans le domaine public.

Partant, il est plus qu’insultant d’appeler les femmes à la communion sous couvert ‘sororal’ car honnêtement, qui n’a jamais eu de points de désaccord avec sa sœur ? Et plus sérieusement, il s’agit là d’une négation fondamentale du principe d’égalité puisque les discussions sont reléguées au « crêpage de chignons » et pire encore, ce « voyage en Icarie » ne permet pas de concevoir des normes communes adéquates et rigoureuses, étant entendu que les femmes sont stupides et ne peuvent confronter leurs avis et donc inaptes à la création politique.

Les principes de la phallocratie ne changent pas quant à eux, et se trouvent réactualisés dans cette pratique qui consiste à maintenir les femmes en troupeau de suiveuses et de cheffes. Il n’est pourtant pas sûr que les féminicides soient condamnés en suivant cet élan de « minorisation » féminine – pas plus que l’opposition effectivement contrariée.

Par conséquent, la division n’est pas à craindre – au contraire, un engagement collectif efficace et de valeur requiert une autocritique. Nul besoin de materner les interlocutrices pour interagir. Cela est un gage de respect que de délibérer communément en assumant le dissensus, ou alors, le féminisme associatif serait des plus acceptables s’il prenait les femmes pour des « petites natures » ?

La division est une force liante dont l’actualisation par excellence est au sein de l’espace public. Elle n’est pas sauvage, mais suffisamment pensée et articulée pour garantir une configuration politique nouvelle et responsable. Le pouvoir politique est donc discriminant de principes. Penser, c’est juger. Penser politiquement requiert une confrontation sincère et mesurée, et dont le souci premier reste l’orientation de la Cité. Tel devrait être la visée du féminisme, bien loin du registre thérapeutique, plus qu’insultant qui plus est.  

 Dans ces conditions éristiques, régner est tout simplement impossible.

 

Virginia PELE, 08/2014.

© Women’s liberation without borders 2014

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La prostitution : ni un métier, ni un choix.

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Le 30 novembre dernier, à l’occasion de la commémoration du massacre à l’Ecole Polytechnique de Montréal, le centre de femmes victimes de féminicides de Vancouver – le Vancouver Rape relief and women’s shelter -organisait une conférence consacrée à la question de la prostitution. Janice Raymond, philosophe et ancienne directrice de la Coalition contre le Traite des Femmes (Coalition Against Trafficking in Women) intervenait pour discuter les mythes autour de la prostitution et les conséquences des approches réglementariste et abolitionniste- à la suite de la publication de son dernier ouvrage Not a Choice, Not a Job: Exposing the Myths about Prostitution and the Global Sex Trade (2013). Feminist Current a retransmis l’intervention, et en voici la traduction française.

 

Janice Raymond, ‘Not a choice, not a job’, Potomac Books Inc, 2013.

 

 

Mon intervention consistera à discuter les mythes autour de la prostitution et de l’abolition.

La première raison pour laquelle ces mythes existent est certainement parce que les médias ont une tendance indéniable à glamouriser la prostitution. Ils idéalisent la prostitution comme une forme de sexualité extravertie-ce qui fait que nous avons une culture proxénète prégnante et une industrie du sexe massive et mondialisée, notamment en raison des campagnes menées par les organisations pro-prostitution à l’échelle internationale. Les prostitueurs pensent dès lors avoir le droit légitime et attitré à l’accès tarifé au corps des femmes. Ils ne le remettent pas du tout en question.

Malheureusement, beaucoup de groupes dits progressistes souscrivent à cette idée selon laquelle la légalisation de la prostitution protège les femmes prostituées, et suggèrent que la prostitution devrait être traitée comme un emploi à part entière, un service.

Puis, s’ensuivent les clichés habituels pourrait-on dire : la prostitution est inévitable, c’est le plus « vieux métier du monde », la légalisation régulerait le marché sexuel. Ou encore : la prostitution ne serait qu’un un travail du sexe, lela traite, la simple migration de ce travail et relèverait de la libre circulation des travailleuses. A ce titre, la prostitution est soit forcée, soit choisie.

En tant que militante féministe, j’ai rencontré des centaines de femmes dans le système prostitutionnel. Des femmes dont la vie a été détruite par la prostitution. Des femmes qui ont fuient leur pays pour avoir un travail décent, pour finalement finir dans la prostitution. Des femmes dans mon propre pays, les Etats-Unis, qui ont dû quitter leur foyer pour fuir l’inceste et sont tombées sous la tutelle d’un proxénète.

J’ai été dans les bordels au Bangladesh, and j’ai parlé à plusieurs prostitueurs qui ne remettent absolument pas en cause ce qu’ils pensent être leur droit légitime à l’achat des femmes et des filles, pour soi-disant satisfaire leurs ‘besoins sexuels’. Et, par les conférences que j’ai pu donner, j’ai remarqué que beaucoup d’auditeurs et d’auditrices compatissent avec les victimes de la traite, mais beaucoup de gens bien-intentionnés ne conçoivent pas le lien intrinsèque entre la prostitution et la traite des femmes. C’est-à-dire ce qu’organise précisément la légalisation de la prostitution.

Ils souscrivent à ce qui semble être un simple truisme : la légalisation contrôle le crime organisé, le trafic, et protège les femmes prostituées, car elle régule justement le système et ses excès. Toutefois, bien que ces personnes ont été pour ainsi dire, nourries par ces spéculations, elles ne sont pas capables de démontrer la véracité de ces propositions et se contentent d’un a priori réaliste.

Quand j’ai commencé à travailler dans les années 1980 sur le sujet, durant la campagne pour abolir la traite et la prostitution, il n’y avait presque aucune ONG, ni aucun gouvernement qui s’attaquaient à la demande. Il était impensable d’évoquer la responsabilité du prostitueur. Cela a pris 20 ans pour que certains Etats commencent à prendre en compte et condamner la demande- parmi eux : la Suède, la Corée du Sud, la Norvège et l’Islande. Depuis lors, ces dispositions ont fait l’objet de virulentes oppositions. Par exemple en Norvège, les conservateurs viennent d’être élus grâce à l’une de leurs propositions électorales visant à faire abroger la loi abolitionniste, contre la pénalisation des acheteurs. Nous verrons ce qui cela donnera.

Mais j’aimerais m’attacher très précisément aux arguments concernant la pénalisation des prostitueurs. Je suis philosophe de formation, donc il est très important pour moi d’analyser les arguments invoqués.

Selon la vision règlementariste, les gouvernements devraient considérer les prostitueurs comme des partenaires de lutte contre le trafic sexuel. Ces prostitueurs sont appelés ‘acheteurs responsables’ ou ‘acheteurs éthiques’. Et donc en 2006, lors de la coupe du monde en Allemagne, des organisations féministes et de droits humains ont fait une campagne en ce sens.

Ces associations ont mené une campagne en faveur d’un tourisme sexuel dit ‘éthique’. Elles ont distribué des tracts conseillant aux prostitueurs potentiels de s’abstenir d’acheter les femmes dans les bordels, si celles-ci leur disaient clairement qu’elles avaient des dettes envers leur maquereau ou qu’elles avaient été forcées de se prostituer.

Or, pourquoi une femme dirait-elle à un prostitueur qu’elle a été forcée de se prostituer? Et surtout, pourquoi le prostitueur demanderait-il cela à la femme ? Cela a pourtant été le fil conducteur des lobbies pro-prostition : selon eux, il serait possible de faire en sorte que les prostitueurs se comportent de manière éthique et responsable. Concrètement, est-ce que ces campagnes ont eu des effets sur le comportement des acheteurs ? Il n’y a pas d’études sur le sujet, et aucune enquête ne montre les effets positifs de la campagne de 2006.

Mais en 2010, le conseil municipal d’Amsterdam a fait un sondage sur internet qui regroupait les avis des acheteurs allant sur des sites prostitutionnels. Une des questions était : lorsque vous tombez sur des femmes prostituées que vous pensez avoir été forcées, est-ce que vous réagissez ? Eh bien, la réponse était clairement : non – et cela à l’échelle internationale, pas seulement locale ou nationale.

Aux Etats-Unis, une autre étude similaire a été menée, dans mon Etat, le Massachussetts – deux milles hommes sondés et le même résultat. Ainsi, lorsque des hommes savent les femmes prostituées forcées, exploitées par des proxénètes, cela n’affecte nullement leur comportement. Ils continuent d’acheter le corps des femmes, même s’ils sont au courant de la situation et constatent les marques de violences physiques : bleus etc …. De même, le gouvernement néerlandais a mis en place une ligne téléphonique à disposition des acheteurs  pour signaler un abus. Cette ligne téléphonique n’a jamais été utilisée. Pareil au Danemark.

   Un autre argument invoqué, surtout dans le milieu universitaire, soutient que la prostitution est une question trop compliquée pour uniquement l’aborder sous l’angle de la demande. Pourquoi disais-je que cela est une discussion proprement universitaire ? Parce qu’en fait, cela fait de la demande une abstraction. Bien sûr que la prostitution n’est pas seulement liée à la demande. Elle est aussi le fait des politiques économiques nationales et internationales en matière de globalisation et donc aux crises politiques et financières. Ou même des catastrophes naturelles, comme aux Philippines, où la traite bat son plein en ce moment- ou encore l’occupation militaire, dont les Etats-Unis sont grandement responsables. Les stéréotypes et pratiques racistes et bien sûr, l’inégalité structurelle entre les femmes et les hommes sont également des facteurs. Mais le fait est qu’un système prostitutionnel sans demande perdrait des millions et se casserait le nez.

Toujours est-il que dans la littérature académique –  dans le domaine des women’s studies particulièrement, avec lequel je suis familière- peu de chercheur-e-s veulent conduire leurs études en considérant la demande, à partir d’enquêtes réalisées auprès d’hommes réels – et non d’après quelques supputations- qui ont accès au corps de femmes tout aussi réelles.

     Considérons à présent une autre raison avancée, consistant à dire que pénaliser la demande conduit les femmes dans des lieux clos inaccessibles et à la clandestinité. Et c’est un argument qui fait son effet- en particulier dans certains cercles, puisqu’on a tendance à penser que si l’on pénalise la demande, les prostitueurs ne vont plus oser aller voir les femmes prostituées sur le trottoir. Mais l’on doit se demander, concrètement, ce qu’est la clandestinité. Et c’est un débat qui a largement été mené en Suède. Eh bien, cela signifie que la prostitution a lieu dans des lieux clos, isolés ou sur internet. Cela dit, le fait est que ces lieux supposément moins accessibles, ne le sont pas plus que d’autres. Les acheteurs n’ont aucune difficulté pour s’y rendre et la police pour les localiser, surtout sur internet. On pourrait même aller jusqu’à dire que les publicités sur internet rendent la prostitution d’autant plus visible.

Dans un rapport datant de 2010 initié par le conseil national suédois évaluant les effets de la loi, il a été souligné que la publicité sur internet en matière de prostitution facilitait le travail de la police pour localiser les victimes et engager des poursuites contre les trafiquants.

Aucune preuve non plus ne montre que le modèle suédois a conduit à la migration de l’activité ; de même, selon les associations de terrain, la très forte diminution de la prostitution de rue n’a pas entrainé le déplacement de l’activité dans des lieux isolés depuis l’application de la loi.

Notons, que la prostitution de rue ait prétendument basculé dans des lieux clos est un argument largement utilisé par les lobbies pro-prostitution. Mais il y a là une contradiction plus que frappante. Il est intéressant que les opposants utilisent cet argument- là contre le modèle suédois, lorsque ces mêmes groupes font la promotion de la légalisation de la prostitution et de la décriminalisation de la demande. Ils disent au contraire que les bordels assurent la sécurité des femmes prostituées. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il faut être cohérent : soit les bordels rendent la prostitution plus dangereuse pour les femmes prostituées, soit ils assurent leur sûreté. Et pourtant, ils tiennent le double discours. Sans autre forme de procès. L’inclination est très claire, l’objectif est justement de préserver l’impunité de la demande et des acheteurs, d’agir dans leur intérêt en somme.

Dans le même esprit, l’on entend souvent qu’avant la loi, les femmes prostituées avaient plus de temps avant de « conclure la transaction » et voir s’il y avait un danger lorsqu’une voiture s’arrêtait. Mais j’aime beaucoup citer Trisha Baptie ici, survivante de la prostitution et journaliste, qui en réponse affirme que lorsqu’elle était dans l’engrenage : «  Je pouvais avoir cinq minutes. Deux minutes. Dix minutes. Cela n’avait aucune sorte d’importance, c’était à la grâce de Dieu. Aucune d’entre nous n’avait les moyens de savoir si cela allait se passer comme d’habitude ou pire. » . Je pense que ce que les gens ne savent pas, c’est que la possibilité pour les femmes dans les bordels légaux des Pays-Bas, de l’Allemagne ou de l’Australie, et d’autres pays où la prostitution est légalisée, d’être abusées et subir des dommages est beaucoup plus élevée que là où la demande est pénalisée. C’est très précisément la raison pour laquelle dans les pays où la prostitution est organisée, les lobbies pro-prostitution ne cessent de publier des manuels d’auto-défense qui indiquent aux femmes au sein même des bordels légaux, comment éviter la violence des acheteurs.

Ils expliquent comment utiliser du matériel spécifique contre les prostitueurs ou conseillent de garder un couteau sous le lit au cas où. Je vous invite même à lire ces suggestions d’auto-défense également présentes sur internet. Ces manuels ressemblent à ce qu’une amie appelle « la gestion de crise en cas de prise d’otage ». Tout cela pour dire que les risques sont inhérents à la prostitution. Et les prostitueurs sont parties intégrantes de ces risques. Ces manuels sont des preuves, ils témoignent des risques constitutifs du système prostitutionnel, même dans les pays affirmant que la légalisation rend la prostitution moins dangereuse. C’est faux. Un tiers des bordels aux Pays-Bas ont dû être fermés à cause des crimes organisés, et cela peu après l’adoption de la loi. En Australie, la légalisation de la prostitution a justement conduit à une très forte augmentation de la prostitution illégale. Si bien qu’aujourd’hui dans l’Etat de Victoria, il y a trois fois plus de bordels illégaux que de bordels légaux.

 

Les Pays-Bas ont mis en place des « zones de tolérance », nous appelons cela plutôt des « zones sacrificielles » dans les villes les plus importantes comme Amsterdam et Eindhoven. Celles-ci ont aussi dû être fermées presqu’aussitôt qu’elles ont été ouvertes. Les voitures se garaient dans ces zones de prostitution plus ‘informelles’ censées être sécurisées puisque surveillées par la police. Et pourtant elles étaient des hauts lieux du crime organisé. C’est la raison pour laquelle elles ont été fermés, mais également parce que les femmes y subissaient couramment des viols. Et cela sous le regard même de la police. C’est simple, plus la prostitution est organisée, règlementée, légalisée, plus les femmes prostituées subissent des violences.

 

Enfin, une autre rhétorique affirme que les femmes prostituées ne veulent pas la pénalisation des acheteurs. Mais il faut faire preuve de rigueur ici. Cela dépend clairement à qui la question est posée: aux femmes se définissant comme « travailleuses du sexe », ou aux survivantes de la prostitution? Et donc je pense que l’on devrait débattre de cela, du fait que deux positions conflictuelles s’affirment dans le débat et que toutes deux affirment avoir la légitimité de l’expérience.

Les survivantes conçoivent la prostitution comme une violation des droits humains des femmes, comme une forme de violence contre les femmes. Elles maintiennent ainsi que la protection des femmes prostituées passe par la criminalisation de la demande et des prostitueurs, ainsi que par l’accompagnement des victimes grâce à des programmes de sortie de la prostitution. Cela signifie mettre en place des alternatives.

La seconde position, beaucoup plus relayée, est celle desdites « travailleuses du sexe » et leurs alliés, qui ‘glamourisent’ la prostitution, la rendent ‘sexy’ et par conséquent, sont d’autant plus présent-e-s dans les médias- et dont les lobbies bénéficient de financements importants comparés aux associations abolitionnistes.

Pour donner un exemple, aux Etats-Unis il y avait un groupe nommé « Les Coyotes »* , que vous connaissez probablement – l’un des groupes les plus influents prétendant agir dans l’intérêt des femmes prostituées. Mais «Les Coyotes » faisaient de la communication et ne pourvoyaient aucun service, ni même du thé ou du café aux femmes prostituées, rien du tout. Au lieu de cela, ils faisaient de la prostitution une activité ‘sexy’ pour attirer les médias. Et pendant des années et des années, l’on entendait plus que « Les Coyotes » en matière de prostitution. Ce lobbie a fait campagne en faveur de l’industrie pornographique, ils sont même allés devant les tribunaux en soutien aux pornographes. Mais ils se sont pourtant auto-proclamés défenseur de la prostitution et donc –selon eux- des femmes prostituées.

Après quelques recherches, nous avons découvert que contrairement à ce qu’ils affirmaient, les «  Coyotes » n’avaient jamais reçu de cotisation de la part des femmes prostituées. Cela a été publiquement dénoncé, et ils ont dû le reconnaître.

En conséquence, je pense sincèrement que ce que nous devons faire, c’est de diffuser la parole des survivantes de la prostitution, et cela massivement. Car elles sont la voix de « l’expérience », elles sont celles qui savent de quoi elles parlent. Elles n’essaient pas de rendre la prostitution ‘sexy’ pour attirer les médias.

C’est ce que nous avons essayé de faire quelques années plus tôt. Nous avons organisé une conférence où intervenaient les survivantes de la prostitution au Parlement Européen. Vous pouvez trouver le document intitulé «  Le manifeste des survivantes » construit sur le même modèle que celui des Philippines, rédigé par 75 femmes dans la prostitution. Ce manifeste affirmait que la prostitution n’est pas un travail du sexe. la traite ne relève pas de la libre circulation des travailleuses. Le manifeste encourageait les gouvernements à arrêter la légalisation de la prostitution, soit d’accorder aux proxénètes et prostitueurs la permission légale de vendre et d’acheter des femmes. Et depuis, au Canada par exemple, les blogs se sont multipliés, accueillant la parole des survivantes. Récemment, les survivantes de la prostitution ont été auditionnées pendant l’affaire Bedford.

C’est à cela que nous devons porter notre attention, précisément à cause de la perversion de la réalité par ces groupes auto-proclamés « travailleuses du sexe ». Et beaucoup de femmes utilisent ce terme, ce n’est pas seulement cela qui est déplorable. Ce qui est condamnable en revanche, c’est lorsque ces groupes apportent clairement leur soutien à l’industrie du sexe. C’est monnaie-courante et nous devons en parler et le souligner très sérieusement.

Pour ce faire, j’insiste une fois encore, il faut diffuser et rendre audible le plus possible la parole des survivantes.

Un dernier aspect que j’aimerais aborder, c’est l’argument selon lequel la pénalisation des prostitueurs porte préjudice à leurs épouses et enfants, lorsque cela est rendu public à la famille par l’arrestation et les sanctions. Moi je pose la question, sincèrement, en quoi faire en sorte que l’achat du corps des femmes par les prostitueurs reste secret protège-t-il leurs épouses et leurs enfants ? Enfin, c’est une question de bon sens. Les femmes ont bien le droit de savoir ce que font leurs époux ou conjoints, qui se trouvent être également leurs partenaires sexuels et sont donc exposées aux risques de contamination par une MST. Cet argument ne tient pas une minute la route. Et c’est un paradoxe assez frappant de la part des groupes dits « pro-sexe », de faire usage sans arrêt de ce prétexte suggérant qu’en pénalisant les hommes, on pénaliserait d’une manière ou d’une autre les femmes.

Enfin, je voudrais m’arrêter quelques minutes sur le modèle sud-coréen, car l’on a toujours tendance à prendre les pays occidentaux comme exemples- mais celui-ci présente des aspects intéressants. Vous avez certainement entendu parler du modèle nordique, mais peu ou moins du modèle sud-coréen. En fait, en 2004, la République sud-coréenne a adopté une loi intitulée « la loi tolérance-zéro » dont l’un des objectifs était de pénaliser l’achat prostitutionnel. Une des mesures clés fut de consacrer un budget important pour l’assistance des femmes prostituées. Lorsque j’ai rencontré le personnel des services d’accompagnent, celui-ci m’a fait savoir qu’une de ses plus grande satisfaction était de constater l’efficacité du programme d’assistance, puisque le nombre de femmes dans la prostitution avait diminué de 56% quelques années après l’adoption de la loi-selon l’étude menée par le ministère de l’égalité femme-homme en Corée du sud. De même qu’à l’échelle régionale, la prostitution avait largement été endiguée.

Qu’est-ce qui a conduit à de tels résultats ? Le financement par le gouvernement des programmes de sorties de la prostitution- consistant à conseiller les femmes, les former pour qu’elles trouvent un emploi, leur permettre d’avoir accès à des soins médicaux, ainsi qu’une indemnité mensuelle et une assistance juridique. Pour avoir accès à cela, les femmes – grâce au suivi préalable des services de réinsertion- devaient témoigner des violences subies, manifester des signes d’addiction à la drogue et/ou être mineures. Des milliers de femmes ont eu recours à ce programme. Mais bien sûr, son succès est essentiellement lié au fait que la loi sanctionnait l’achat du corps des femmes. Les prostitueurs pouvaient ainsi encourir jusqu’à un an de prison et une amande de plus de 2000 dollars. Le ministère de l’égalité femme-homme a également interrogé des prostitueurs, à la suite de quoi ceux-ci ne l’étaient plus, puisqu’avaient arrêté l’achat de services sexuels depuis la mise en application de la loi.

Plus important encore, les groupes de femmes et survivantes m’ont également affirmé que – je cite – «  les survivantes de la prostitution considèrent qu’il s’agit là comme d’un miracle : les femmes peuvent sortir de la prostitution grâce à la protection de la loi. Celles qui croyaient être exclues socialement et politiquement, bénéficient d’une protection législative telle, que la loi punit conséquemment ceux qui l’enfreignent car pensent être au-dessus d’elle. C’est cela qui constitue un réel pouvoir pour les femmes dans la prostitution. ». Voilà le retour qu’ont eu les associations féministes de la loi abolitionniste, de la part des femmes prostituées et survivantes. Enfin, les hommes qui abusaient d’elles pouvaient encourir des sanctions.

Je terminerai en vous informant qu’après de longs débats-vous êtes peut-être déjà au courant-, les parlements français et irlandais ont soumis une proposition de loi en faveur de la pénalisation des prostitueurs. La semaine prochaine aura lieu à l’Assemblée Nationale française le vote de la loi abolitionniste, prévoyant lé pénalisation des acheteurs, la dépénalisation du délit de racolage, la mise en place de services de protection et d’assistance. Cette proposition de loi a été émise par la gauche -les groupes socialistes et communistes- donc on ne peut pas dire qu’elle soit le fait de religieux moralistes. Nous espérons ainsi que la loi sera votée et que cela s’étendra à plusieurs pays en Europe, pour que les pays scandinaves ne soit plus les seuls à bénéficier de cette loi.

Je ne dis pas pour autant que les lois pénalisant les acheteurs soient parfaites. Je ne dis pas non plus que la loi est la seule solution. Mais en même temps, la loi est plus que la loi. Elle marque l’inclination de tout un pays au regard des préjudices que peuvent subir les femmes. Elle indique clairement que dans tel ou tel pays, les femmes ne sont pas à vendre, ni à acheter. La loi a une fonction normative importante : elle montre que la prostitution n’est pas inévitable, et institue la responsabilité juridique des acheteurs. Ces lois sont certes modestes, elles font de l’achat prostitutionnel un délit et non un crime. Mais elles envoient un message très puissant : l’achat du corps des femmes et des enfants ne sera en aucun cas toléré.

Je vous remercie pour votre attention.

                                                                    Janice Raymond, 30/11/2013.

* C.O.Y.O.T.E cf https://beyourownwomon.wordpress.com/a-propos/

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Féminicide : Rachel Moran dénonce le calvaire prostitutionnel.

Le 29 novembre 2013, la France vote l’abolition.

‘Amicale proxène et féminicides’- Christine Gamita.

Proposition de loi renforçant la lute contre le système prostitutionnel.

 

 

 

 

La révolution astro-andrologique du genre.

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       Pardonnez la connotation du titre- il ne se réfère nullement  à la discipline consacrée à l’anatomie masculine. Mais enfin, l’andro logos semble définitivement orienter les chairs et les mœurs actuelles.

Théorie(s) du genre, études de genre … autant de fausses subtilités autour d’un concept devenu sacré. Genre ontologiquement incarné-si je ne suis pas mon sexe, en revanche je suis mon genre. Je choisis, tu choisis, choisissons toutes. «  Egalité des genres » nous dit-on, mais enfin, fonder l’égalité sur l’identité -qu’elle soit interchangeable ou non- n’est-ce pas un peu tourner autour du pot ?

Femmes-abstractions, quelle sophistication ! Appendices toujours, la subversion aurait ainsi eu raison de la subjectivation politique ?  « Politique » de l’état de fait, jouer avec les images est sans nul doute bien plus commode que de renverser les places assignées et les institutions.

Ainsi, la participation effective des citoyennes à la cité (l’égalité) s’entendrait aujourd’hui comme mimétisme – égalitarisme donc- autour du même axe phalloastral.

Les femmes ne sont pas assez novatrices –immanence oblige- mais le genre lui, d’une efficacité redoutable pour expliquer aux filles qu’elles ne sont pas limitées socialement du fait de leur biologie. Le genre indispensable pour dire cela. Les féministes exprimaient la même chose des siècles plus tôt, mais aujourd’hui on ne peut plus se passer du mot ?

Que non, nous ne pouvons plus faire sans. Vilaines dames, nous ne saurions exclure les « déviants »- genrisme exigé finalement, sonate en la mineur pour le pathos, il y a bien des hommes qui se sentent femmes et qui changent de sexe ! Femmes homme-défectueux toujours par contre – une nostalgie grecque ? Qu’elles empêchent d’accéder à la transcendance – obstacle entre l’homme et les dieux, heureusement qu’il y a la technoscience pour y remédier !

Qu’importe ces considérations – il faut bien remporter les prochaines élections municipales et qui sait, se prévaloir de ce (simulacre) petit désaccord entre une certaine droite et une certaine gauche pour les prochaines élections présidentielles. Aaaah … je vois déjà l’UMP fanfaronner de sa ferveur contre la théorie du genre ! Le Parti Socialiste de l’efficacité de l’action publique contre les réactionnaires pour-tous !

Polarisation du débat, consensus bien contraignant, le genre est indéniablement une révolution. L’art et la manière de revenir au point de départ, de tourner en rond : nature et culture, culture ou nature, phsychologisme, sociologisme, idéalisme ou empirisme, décidément, la liberté politique et l’auto-nomie des actrices politiques, la manière dont elles occupent l’espace politique face au pouvoir ne méritent pas l’attention des universitaires. Pas assez de tribulations intérieures, pas assez alambiqué, pas assez insoluble, pas assez …

Comprenez, l’ « oikos combiné » vaut mieux. Ainsi l’on étudiera les femmes – et non les principes générateurs de la phallocratie- et leurs écarts à la « norme ». Etat de fait disais-je, adieu projet d’autonomie, mieux vaut l’agency. Individu souverain – et l’on comprend la manœuvre : si l’on oppose l’individu à la cité ou que l’on en fasse son milieu naturel, en effet, quel meilleur moyen que celui-ci pour tenir les femmes écartées de la scène politique ?- l’auto-subordination devient de manière subliminale le corolaire de l’auto-émancipation. La vieille concurrence agora-polis (quoique … c’est qu’il y avait un vrai dynamisme dans l’Agora …), le social surplomb la politique. Conformisme assuré en d’autres termes.

Pourtant, bien qu’outil universitaire trendy, on l’utilise à tort et à travers, mais personne ne crie ici à l’intellectualisme ?

Mais non, mais non … on l’a vulgarisé jusqu’à passer sous silence les implications – ça passe.

Et de se réjouir de la dépolitisation – comme précisé dans cet article en milieu de page – induite par les « études de genre » pour rendre le féminisme un peu sérieux quoi – Platon ressuscité ? Femmes, tenez-vous hors du monde, vita contemplativa incompatible avec la politique. On progresse, on progresse … oïkoidea ?  Ah je m’amuse aussi avec le grec ancien – je m’excuse auprès des personnes qui le maîtrisent d’ailleurs, cela doit faire mal au sens.

Nous voilà bien avancées en somme. Aucune remise en question des principes, aucune restructuration … simplement des bibliographies à rallonge pour les étudiant-e-s en « sexe, genre et sexualité(s) » où elles/ils apprennent toutes les subtilités, discours cachés, évoqués de la pornographie, toutes les manières de déjouer la norme, de « défaire le genre », de le refaire. Fascinant.Si les femmes apprenaient hier  à coudre, les jeunes femmes apprennent aujourd’hui à sourire les jambes écartées devant une caméra. C’est abrupt. Mais la réalité.

Enfin, la scientificité présumée de ces études permet que cela passe en toute sophistication sans soulever la moindre contestation. C’est ainsi que Science Po Paris organise des  » Queer Week » et que Science Po Aix emmène les étudiant-e-s voir « Jeune et jolie » …

Une vraie révolution (astrale).

https://beyourownwomon.wordpress.com/2013/06/28/femmes-luttons-contre-les-stigmates-genristes/

https://beyourownwomon.wordpress.com/?s=F%C3%A9minisme%2C+politique+et+d%C3%A9mocratie

http://susaufeminicides.blogspot.fr/2013/07/le-genome-du-genre.html

© Women’s liberation without borders 2014

Il est essentiel lors de toute utilisation de cette production ou partie de cette production de préciser la source : le lien et l’auteure de l’article, ponctuation adéquate encadrant la citation -entre guillements- et dans son contexte, sans distorsion ni manipulation ( article L122-5, du code de la propriété intellectuelle) . La permission formulée et explicite de l’auteure est également exigée.De la même manière, concepts,termes et approches empruntés à l’auteure du blog doivent être mentionnés comme tels- références adéquates: guillemets, liens, extraits de texte, auteure- avec accord de l’auteure. En vertu du code de la propriété intellectuelle stipulant à l’article L121-1,‘ L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.’

 

 

 

 

Abolishing Sex Trafficking and What Those With Privilege Do NOT Want to Hear

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« Yes, I am demanding justice. And for poor sex trafficking victims/survivors like me, justices means implementing the Nordic Model with exit programs and economic safety nets for the poor to reduce/eliminate vulnerability to trafficking, and affirmative action employment at REAL jobs—not blowjobs—for poor women NOW!!!!!!!! (…) I have NO other criminal record other than prostitution arrests from when I was 13-17 years old when I was trafficked because I was poor, female and HOMELESS – and prostitution as the “Final Solution” for POOR women and girls was the ONLY place this society decided I was allowed to have.  » A must-read.

Le 29 novembre 2013, la France vote l’abolition.

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        La nuit dernière, la France a choisi de faire prévaloir les droits des femmes [1]. Nos droits fondamentaux, civiques et sociaux sans aucune réserve négociable moyennant finance. Hier l’on a affirmé les droits des femmes et des citoyennes dans la lignée de nos prédécesseures courageuses et brillantes. J’ose le dire, nous pouvons être fières nous les femmes, de la ténacité des militantes associatives, des députées abolitionnistes et de la porte-parole du gouvernement, qui toutes (et tous) ont porté ce projet féministe abolitionniste devant l’Assemblée Nationale et donné suite à la proposition de loi.

Cette proposition de loi est un moment fort dans la citoyenneté des femmes. Comme l’a rappelé Catherine Coutelle, elle est constitutive d’une République (res-publica) qui consacre l’égalité des femmes, leur dignité et le respect qui leur est dû. La République démocratique française n’entend pas faire le tri parmi les citoyennes égales, celles qui participent à la vie politique, celles qui exercent leur pouvoir politique, celles qui pensent, qui jugent, agissent, transforment, créent et fomentent des institutions nouvelles, celles qui marquent leur ancrage dans le monde (Hannah Arendt), et celles dont les droits politiques et la dignité seraient relatives. Les femmes dans la prostitution ne sont pas des citoyennes de seconde zone. Elles ne sont pas des êtres humains subalternes, ou des catégories de femmes spécifiques dont on pourrait piétiner les droits humains contre quelque monnaie.

On ne saurait que trop relayer la formulation de la ministre des droits des femmes, n’oubliez pas qu’avant de parler de prostituées, nous parlons d’êtres humains. Ainsi, la gageure qui consistait à réifier les femmes, leur être, leur chair en éjaculatoires, telles des objets ou des automates, n’est plus aujourd’hui. Quelle est donc cette  charité aristocrate qui prendrait les femmes dans la prostitution comme de pauvres filles qui ne mériteraient rien de mieux que des préservatifs pour assurer leur rôle, naturel peut-être ? L’affront que l’on fait à ces femmes, l’affront que l’on a fait pendant longtemps aux survivantes de la prostitution, c’est de n’avoir pas considéré leur intégrité en tant que femmes, libres, égales et dignes. Mépris de l’indifférence, condescendance pragmatique, les tenants du règlementarisme et impensés qu’il sous -tend, n’ont fait qu’asseoir les femmes prostituées dans la servitude.

Aucune lutte pour l’émancipation n’a été menée en référence au statut de subordon-n-és. « Prostituées » n’est donc pas un titre dont devrait découler les lois. On ne renverse pas un tort commis à la citoyenneté des femmes, à leur humanité par un simple renversement de valeurs. Le problème du système prostitionnel ne réside pas dans les stigmates qu’il engendre contre les femmes prostituées, mais bien dans le fait qu’il est contraire de manière inhérente aux principes d’égalité et de liberté, que certains tendent à confondre avec l’anomie. Et c’est bien ce que l’on observe dans les pays règlementaristes. Parquées dans des zones réservées, des lieux clos, femmes impures, malpropres que l’on ne veut pas voir, ces femmes dans la prostitution sont mises sous tutelle, forcées de passer des tests tels du bétail pour assurer la bonne qualité de la marchandise aux prostitueurs (proxys[2]).  Hygiénisme propre au XIXème siècle, c’est bien le curé voisin qui serait content. Ségrégation, isolement, désolation, l’on affirmerait pourtant en Allemagne l’égalité entre les femmes et les hommes, quand ces-derniers peuvent les acheter à leur guise (et avec ristourne selon les revenus !) ? A l’instar d’Elisabeth Badinter qui considère la prostitution comme un droit de l’homme et que la proposition de loi viendrait contredire, peut-être qu’un œil dans le Larousse ne lui ferait pas de mal. Un droit unilatéral s’appelle privilège. Or les femmes ne sont pas les privilèges, ni les biens légitimes des hommes.

On a fait des femmes dans la prostitution des objets sacrifiables, des femmes subalternes spécialement conçues pour satisfaire les désirs pervers des proxys. Et l’on nous a commandé de mettre en place des dispositions pour que cela s’effectue dans de meilleures conditions. Outre une vision romantique, nihiliste, idéaliste et fantasmée de la réalité de la prostitution, il s’agit là non pas d’une demande qui consisterait à étendre les droits universels de toutes, mais bien d’un traitement exceptionnel qui vise à assoir un état de fait abusif. Alors que l’on a lutté pendant des siècles pour mettre fin à la privatisation masculine et arbitraire de l’humanité,  l’on voudrait à présent éloigner l’humanité des droits des femmes. Puisqu’ « il y a dans l’humanité, une obligation à la responsabilité collective » (Hannah Arendt), c’est bien de cette responsabilité civique là, que l’on entend(ait) une fois de plus se dédouaner.

Dès lors, loin de l’universalisation des torts induite par les femmes qui s’affranchissent et font émerger de nouveaux principes ou donnent substance aux principes déclarés, l’on se déplace dans la perspective postmoderne à la marge. Une périphérie à partir de laquelle les modalités institutionnelles devraient simplement assurer la reconnaissance méliorative des places assignées. Ce que cela implique ? La réactualisation d’un syncrétisme patriarcaliste selon lequel le destin des femmes est scellé par le sort réservé aux hommes.

En effet, l’on rabâche l’idée fallacieuse qu’en touchant aux « clients », l’on met dans l’embarras les « prostituées ». Mais ce que l’on ne dit pas, c’est qu’en responsabilisant celui qui paie pour porter impunément atteinte à l’intégrité physique et morale des femmes, l’on permet aux femmes dans la prostitution de poser des limites, de se faire respecter, mais surtout de bénéficier d’alternatives (voir ce que propose la loi pour la réinsertion sociale http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta-pdf/1558-p.pdf ) pour en sortir. Voilà ce que c’est, l’auto-nomie.

 Le corps humain est inaliénable (art 16 du Code Civil que la ministre a rappelé, principe constitutionnel d’autant plus), et le corps des femmes devraient y déroger ? Qu’est-ce que cela veut dire, réclamer qu’une constitution démocratique cautionne et laisse des femmes dans la misère -qu’elle soit économique et/ou traumatique (et définitivement coutumière, car 90% des personnes dans la prostitution sont des femmes)- au point d’être contraintes d’aliéner leur être et leur corps ?

De plus, parler de sexualité, quand précisément les femmes prostituées ne poseraient même pas le regard sur les proxys si ce n’était pour de l’argent ? Seule l’unilatéralité règne dans la prostitution.

Ainsi pour les femmes et les filles des générations futures, pour nos concitoyennes d’aujourd’hui et de demain, la proposition de loi affirme l’intégrité physique, morale et politique des femmes. Femmes, citoyennes, et pas à vendre !

Le combat continue mercredi prochain, et à l’échelle internationale pour toutes les femmes qui luttent contre les féminicides, prostitutionnels en l’occurrence.

Intervention de la ministre des droits des femmes à l’AN :
«  Les femmes ont chèrement conquis le droit à la libre disposition de
leur corps. Ce droit est essentiel. (…) C’est précisément parce que je soutiens
ce droit, que je ne reconnais pas le droit à disposer du corps d’autrui. Et que
je réfute de toutes mes forces, cette vision archaïque selon laquelle le corps
des femmes serait un corps disponsible. (…) Je ne veux pas d’une société dans
laquelle les femmes ont un prix. (…) Le corps humain est inviolable. Le corps
humain ne peut pas faire l’objet d’un bien patrimonial, voilà ce qui est écrit
à l’article 16 du Code Civil, et qui fait partie désormais de notre
Constitution. » – Najat Vallaud-Belkacem.

Discours de Catherine Coutelle, Présidente de la délégation aux droits des femmes.  » La loi dispose d’un message clair : il n’existe pas d’un droit des hommes à disposer du corps des femmes » – Catherine Coutelle.

EDIT : Mercredi 4 décembre 2013, la loi est votée. 268 voix en faveur de la proposition de loi, contre 138. Un moment fort pour les droits des femmes, un moment politique important pour chaque citoyen-ne. Ce qui vient de se produire est absolument crucial. En 30 ans d’immobilisme et gestion (a)politique, l’on réalise enfin ce principe intrinsèque à la démocratie : la remise en cause de la loi héritée. Privilèges phalliques intouchables l’on nous avait dit, les femmes chair fraîche que l’Etat s’il légiférait, devait fournir à qui de droit (ie aux proxys), l’action citoyenne et parlementaire ont montré la portée politique des droits humains, la non négociabilité des droits fondamentaux de chacune, et loin de l’approche priviligériale (ou libérale) de la notion de droit, l’on a fait valoir les contentieux civiques qui leur donnent substance dans une logique émancipatrice. Enfin, les femmes non plus distinguées par sous-catégories : toutes citoyennes, libres, égales et dignes !

https://beyourownwomon.wordpress.com/2013/08/23/feminisme-politique-et-democratie/

© Women’s liberation without borders 2013


[1] Vote solennel attendu le 4 décembre 2013.

[2] Je reprends le terme élaboré judicieusement ici http://susaufeminicides.blogspot.fr/2013/02/index-illustre-bal-feministe.html

Programme d’échange postcolonial.

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 Pour une pragmatique en faveur de la paix entre les nations.

Chacune sait combien les relations internationales sont matière à contentieux : dilemme de sécurité, politique guerrière de notre cher ami Raymond Aron, guerre juste, guerre sainte, communauté internationale, impossible société civile internationale, réalistes, libéraux, constructivistes, clash des civilisations ; bref en vrac, vous voyez, autant de questions et d’éléments essentiels pour les politiques intérieures du reste.

Vous connaissez plus précisément les tenants et aboutissants du fameux ‘clash des civilisations’, mais n’en déplaise au théoricien honni Samuel Huntington, WLWB va vous exposer très simplement une solution claire pour la paix entre les nations, entre les peuples, et entre les ciotyen-n-es.

Nous voilà face à deux conceptions : l’une assurant l’affrontement entre les ‘blocs’ oriental et occidental, et par suite, une autre affirmant l’impossibilité d’une communauté internationale stable. En effet, la guerre serait parfaitement inévitable à cause du principe d’ « anarchie » des Etats qui ne cessent de vouloir accroître leur puissance. Par ailleurs, une trop grande divergence des ‘valeurs’ entre les nations rend impossible leur collaboration. Attachons-nous à ce dernier point, puisqu’il fait (forcément) écho aux ‘litiges’ intérieurs.

Supposons qu’en effet, chaque nation soit absolument autarcique, mais – considérant les mutations géopolitiques depuis la Seconde Guerre Mondiale-, qu’elles doivent a fortiori interagirent pour maintenir l’ordre international promût nous le savons bien, par la Charte de l’ONU définitivement en faveur de la paix.

Une possibilité s’offre à nous, pour à la fois atténuer les craintes d’Huntington, confirmer le constat de John Mueller, et entendre les revendications des Etats autoritaires et théocratiques : le programme d’échange postcolonial.

Le principe est simple : puisque ‘je suis moi, et que toi tu es toi’ : blanche, noire, grande, petite, riche, pauvre, rousse, brune,et cætera, et que nous devons tout de même cohabiter, et bien proposons de faire un échange. Ainsi, à l’instar de nos grands sauveurs, proposant de se voiler par solidarité aux mystiques en occident (voyez vous-même, c’est hilarant https://www.facebook.com/groups/221586881341017/), et bien il ne faut point s’inquiéter : le monstre occidental, si intolérant, décadent, cruel pervers offre dans ses Etats de droit, toutes les mesures nécessaires en faveur de la libre circulation des individu-e-s. Dès lors, nos chers communautaristes en crise d’identité, et malheureusement leur monnaie d’échange que sont les femmes parées d’un voile et dérivés féminicidaires, n’auront qu’à dument allez en Afghanistan, au Yémen, en Iran, en Arabie Saoudite. Et pourquoi pas ? Après tout, les femmes portent le voile, le hijab, la burka, le niquab là-bas, tranquillement. On est même lapidées si ce n’est pas le cas ! Le rêve non ? Point de lieux publics où ne pas porter de signes religieux ostentatoires, c’est 24h/24, et si vous allez en Arabie Saoudite, vous pouvez varier les modèles et les couleurs ; et puis, les féministes sont muselées comme il se doit en phallocratie mystique, donc elles ne pourront pas exprimer leur rejet et leur quête d’émancipation.

Inversement, les femmes des Etats fascistes et autoritaires, pourront venir dans les Etats de droit pour bénéficier de leurs droits politiques, exprimer leur mécontentement, exercer leur liberté politique hors des appartenances identitaires. S’auto-déterminer, être un sujet libre et mettre en accusation la phallocratie où qu’elle soit.

Nos doutes sont ainsi évacués. Grâce au ‘postcolonialisme’, et grâce au ‘postmodernisme’.

Les culturalistes qui prétendent que le voile est un organe féminin, qu’il fait partie des femmes de culture musulmane, ceux-là sont les premiers racistes. Ils réifient les femmes en fonction de ce que les hommes en ont fait. Ils piétinent l’histoire des femmes d’ici et d’ailleurs pour leur liberté et leur émancipation. Ils crachent sur les droits humains des femmes. L’aliénation n’en fait pas partie de ces droits humains. Et dans l’aberration continuons : voilà que l’émancipation ne consiste plus à s’affirmer comme sujet politique en démantelant les institutions subordonnantes, que nenni. Elle consiste à rassembler les moyens pour supporter au mieux l’avilissement. La solidarité postmoderne consiste ainsi à donner de quoi mordre à l’esclave pour supporte les coups de fouets.

Peut-être alors faudrait-il assumer ses dires et ses actes : si la foi et l’aliénation divine est si tentante, il y a bien malheureusement des zones géographiques où Dieu fait la loi. Ou alors on dévoile -n’est-ce pas-l’ hypocrisie : il ne fait aucun doute qu’une fois de plus, il s’agit de plonger les femmes dans la résignation par l’aliénation de leurs aptitudes critiques, de leurs pensées, de leur autonomie et de leur jugement. Si tout se vaut, si les principes d’une communauté politique assoie l’unilatéralité de la sacralité, qu’elle soit individuelle, mystique ou divine, elle rend évidemment impossible l’hérésie, laquelle est absolument fondamentale en démocratie (d’un point de vue non normatif cela va sans dire). Par-là, tout n’est pas équivalent, toutes les propositions ne sont pas égales parce qu’elles n’ont pas le même sens, ni les mêmes implications. Les idées peuvent également être exposées sur la scène politique, mais elles ne sont pas nécessairement aptes à ou souhaitables pour conduire l’orientation de la Cité. Il faut donc examiner ce à quoi nous avons à faire, au lieu des litanies incessantes.

© Women’s liberation without borders 2013

 

 

La Charte des valeurs québécoises face à la mythification de l’exclusion.

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                                 Quelques mots de soutien aux citoyen-n-es québécois-e-s.

 

        Le gouvernement québécois a proposé il y a quelques jours, l’adoption d’une Charte des Valeurs Québécoises afin de palier la montée intégriste, et sa légitimation culturaliste grandissante et instituée par les accommodements raisonnables. Cris de colère de la part des gourous intégristes et ses martyres voilées, voilà que le gouvernement ne serait rien d’autre qu’un corps fasciste, raciste, et autoritaire.

Pourtant, nous voilà face à une Charte qui affirme les jalons d’une communauté politique ayant à cœur l’émancipation humaine, la liberté, et l’égalité de toutes et tous. Bien sûr, les tendances postmodernes ayant parfaitement passé un coup de lifting au bios politikos d’Aristote en faisant de la démocratie le milieu naturel des individus, le terrain est nécessairement bien entretenu pour le retour en force de pratiques phallocrato-mystiques, archaïques, mais si subversives face au monstre occidental. Huntington célébré, l’honneur du théoricien honni est sauf.

Ainsi, évidente est l’arnaque consistant à réclamer le privilège de l’authenticité culturelle, en mêlant le registre normatif et la matière principielle propre au domaine politique. En d’autres termes, il s’agit simplement d’une manipulation libérale selon laquelle l’Etat ou le politique, n’a pas à s’immiscer dans les affaires privées. Or chères lectrices, nous savons bien qu’il s’agit de laisser libre cours aux excès de zèle des demi-dieux, conquérant et privatisant l’espace commun à toutes et à tous, ainsi que l’espace politique. Il semble qu’au-delà de la sacralité des textes et pratiques religieuses féminicidaires de surcroît, dont -quelle honte !- nous serions ‘phobes’ de rejeter et de critiquer, la souveraineté individuelle paraît  d’autant plus sacrée. Car, allez dire aux femmes revendiquant le port du voile et de la burqua comme le nec plus ultra de la liberté des femmes, qu’il s’agit là d’un péché ; vous verrez qu’il y a bien un Dieu qu’elles vénèrent, et celui-ci possède un phallus très matériel, non point spirituel.

En effet, il n’est nulle part fait mention dans les écrits coraniques du port du voile pour les femmes. A l’instar de notre ami Saint Paul, qui j’en suis sûre, nos chers et chères collègues si progressistes et antiracistes n’hésiteraient pas à tancer – « L’homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est l’image et le reflet de Dieu…Voilà pourquoi la femme doit avoir sur la tête un signe de sujétion. », affirme-t-il- ; le coran parle du voilement comme d’une introspection que tout croyant et toute croyante doit mener. A la sourate 33, le terme ‘voile’ désigne notamment le corps humain lui-même, où apparaît la lumière divine, et mortel à la fois. Il s’agit d’un passage métaphorique, que l’on aurait pu conserver dans sa dimension proprement spirituelle. Au lieu de cela, les intégristes ont pris de sacrées libertés n’est-ce pas, mais éminemment en concordance avec les principes phallocrates. Comme le souligne le poète Mohamed Kacimi en évoquant la Charia, les islamistes reprennent les outils analytiques élaborés en Occident ( en faisant par exemple, du voile une obligation institutionnalisée et juridique pour soi-disant se distancer de la débandade moderne occidentale, tout en profitant d’une rhétorique postmoderne afin de légitimer une telle position), pour leur propre intérêt mystique autoritaire: « La Charia, c’est le mimétisme aveugle, le respect de la lettre et le mépris de l’esprit. J’ai toujours pensé que l’intégrisme était une forme d’analphabétisme ».  Pendant des siècles, les philosophes arabes ont travaillé à la fin du mysticisme. Pour ne citer qu’un seul exemple, Al-Fârâbî, premier traducteur d’Aristote, s’est consacré aux sciences et à la philosophie tout particulièrement. Si son œuvre est largement inspirée de la pensée grecque,  et qu’elle se trouve à ce titre contestable d’un point de vue féministe, il n’en demeure pas moins qu’il a mis au centre de ses études l’épanouissement intellectuel, la pensée et la sagesse découlant à cette époque, de l’activité philosophique. Tant et si bien que cela lui a valu le surnom de mubtadi, insulte signifiant ‘novateur’.

Ainsi, les luttes identitaires contre la prétendue suprématie occidentale -autant au passage, que les revendications nationalistes-, évacuent l’histoire des peuples communiquant et échangeant. La culture n’a pas de frontière, et elle ne gagne qu’en diversité. Production de l’esprit – que ce soit artistique, intellectuelle, culinaire, artisanale-, elle n’a rien à voir avec des pratiques féminicidaires, évinçant les femmes sous un voile.  Elle est le fruit de l’unicité ou de la singularité de chaque femme rétablit par la sphère politique. Or, si les modernes aiment à utiliser l’exclusion des femmes dès l’Antiquité, pour mythifier la figure de l’exclu-e, il s’avère pourtant peu adéquat d’élaborer de nouvelles catégories plongées dans une altérité telle, qu’elle ne permettraient plus de penser l’espace commun et l’émancipation. Le musèlement des femmes par le gouvernement phallocrate, est une entreprise consensuelle, autoritaire et uniformisante, visant à empêcher toute créativité politique de la part des subordonnées. Apparaître sur l’espace public, c’est s’affranchir des appartenances identitaires. Voilà ce que nous offre une liberté politique bien instituée. Voilà tout ce que ne permet pas le port du voile.

En effet, est mise en avant une théorie du complot contre les musulman-e-s. Et quid des femmes de culture musulmane critiques des pratiques mystiques ? Ces revendications identitaires créent des micro- communautés, enfermant les dissidentes qui rentreraient quelque peu dans les critères d’appartenance : femme, musulmane, orientale etécétéra dans le silence le plus totale, sous peine d’être accusées de trahison ?

Mauvaise foi mise à part, il est plus qu’aisé de comprendre qu’une organisation politique qui se veut démocratique ne peut se porter garante d’un tel projet. Le ministre Bernard Drainville, chargé des instances démocratiques le souligne très bien: la charte, qu’il nomme lui-même ‘ La Charte québécoise des droits et libertés’, a pour objet d’instaurer un espace commun, mais également pluriel en termes de liberté d’opinions. Chaque citoyen-n-e a droit à la libre expression de ses convictions politiques, au traitement égal devant la loi, et à la liberté de conscience. Nulle part n’est mentionnée une privation de ces droits – politiques quant à la libre expression de l’opinion-, pour causes confessionnelles. Une femme musulmane, catholique, protestante, orthodoxe, juive, et je vous laisse continuer la liste, peut librement s’exprimer indépendamment de ses inclinations religieuses.  Alors, pourquoi scander à l’exclusion fasciste lorsque précisément, ces droits fondamentaux s’appliquent à toutes et à tous ?

Le droit des communautaristes de revendiquer leurs pratiques phallocrato-mystiques est précisément garantit par ces principes. Nous voyons très bien de quoi il s’agit : le tout-se-vaut, le droit subjectif au détriment des droits fondamentaux, est quant à lui, garant d’une unilatéralité qui par définition, permet d’empêcher l’expression de toute dissidence. L’Etat doit organiser les cultes religieux, pour rétablir une sacralité dogmatique que les femmes ont mis des siècles à combattre. Et quel meilleur moyen que de placer cette manipulation sous l’égide normatif ? Au monstre occidental, opposons la victime orientale : les femmes voilées, stigmatisées, exclues. D’autant que contrairement à l’affirmation répandue, les communautaristes sont loin d’être contre le contrôle étatique, dès lors qu’il assure leurs intérêts via les accommodements raisonnables. On déplore ainsi une Charte stigmatisante -tandis qu’elle s’applique à toute confession et à chaque citoyen-n-e-, lorsqu’en même temps on réclame un traitement distinct organisé par l’Etat.

Pourtant, je peux vous assurer qu’il n’est pas besoin de porter un voile pour être victime de racisme. En outre, j’ajoute qu’il est plus que commode de le porter pour bénéficier d’une complaisance qui ferait pâlir de dégoût Huda Sharaawi. Revendiquer le port de stigmates patriarcaux, et ensuite lamenter la stigmatisation des femmes musulmanes ? Chères lectrices, on nous prend pour des truffes. Car une stigmatisation a bien lieu : quelle surprise les femmes se distançant des places assignées par la phallocratie déclenchent-elles. Ainsi, si vous avez le malheur d’avoir un nom exotique, je témoigne ici et maintenant des yeux ronds et les foudres que l’on vous lance lorsque vous apparaissez en tant que femme libre de ses convictions : sans voile, ni distinction particulière autre que celles qui constituent votre singularité en tant qu’être humain, exprimant un point de vue, mettons, laïque et féministe.

A l’instar de Christine Delphy qui a omis à l’époque, de passer un coup de téléphone à Khomeiny pour lui dire de péter un coup, car le voile c’est comme porter des piercings, et qu’il est à cet égard inutile de serrer les vices envers les iraniennes ; les femmes de culture musulmane se sont battues et se battent encore pour leurs droits civiques : cette capacité d’exercer un pouvoir politique effectif, dissensuel, et non identitaire, partageant un souci du monde avec leurs concitoyen-n-es. L’émancipation confère au droit sa dimension politique. Les contentieux politiques investissement les institutions. C’est ce que l’on observe actuellement en Egypte, où des femmes luttent pour une démocratie féministe,  séculaire et anticapitaliste. Aussi, quelle hypocrisie est-ce là de crier à l’exclusion, lorsque la politique et les luttes qui s’y conduisent constituent précisément une prise de position avec, mais aussi contre d’autres forces agissantes ?

La Charte des valeurs québécoises est une prise de position, l’institution de principes fondateurs et émancipateurs pour les citoyen-n-es québécois-e-s, dont la citoyenneté est de fait, garantit par un équilibre dissensuel énoncé dans la Charte elle-même. Au niveau politique, elle permet le libre déroulement des confrontations des différents groupes associatifs. Elle ne nie en rien, en reprenant les termes de Claude Lefort, ‘ la division originaire du social’.

En revanche, dans la mesure où elle admet que l’égalité relève du domaine public, l’Etat laïque constitue l’organe du maintien et du respect du principe, de l’axiome qu’est l’égalité. L’égalité est un principe appartenant à la sphère politique, mais elle est également le socle de l’espace commun (et dispositions communes) à toutes et à tous. L’école publique en l’occurrence, dépend de l’organe étatique. Dès lors, elle ne peut être le lieu où s’exprime une quelconque appartenance identitaire. Si l’école assure la passerelle entre la famille, et le monde, elle s’adresse aux élèves en tant qu’être humain à part entière. A moins de réifier les femmes en voile – ou d’en faire des barques comme le souligne si bien Christine Gamita, ethnologue et auteure du blog susauxféminicides-, les filles de confession musulmane, catholique, protestante, juive, athée, soufie, etcétéra, peuvent librement bénéficier de l’enseignement public. Encore une fois, où est l’exclusion ?

 D’autant que poser les filles en réceptacles impures, tentatrices et asservies aux demi-dieux, n’est certainement pas compatible avec une appréhension féministe démocratique et séculaire. De la même manière, les femmes travaillant au sein des services publics, comme le souligne le ministre, doivent faire preuve d’un devoir de réserve puisqu’elles sont agentes au sein d’instances où s’active la neutralité étatique. Il ne faut pas confondre la neutralité de l’Etat, avec l’indifférence et la caution étatique. La neutralité est une notion principielle que l’Etat fait valoir et respecter. Elle ne s’apparente guère au laissez-faire. D’où les sanctions en cas de manquement.

Une telle prise de position n’empêche pas de faire la critique de l’évangélisme libérale, promouvant l’hypersexualisation des femmes d’une toute autre manière que le port du voile. Notons au demeurant, dans le cas français, que cette position séculaire a été mise en oeuvre lors de la Commune de Paris, où les religieuses n’étaient pas admises dans les écoles et les hôpitaux publics en tant que souscrivant aux pratiques dogmatiques chrétiennes au sein de ces instances.

Bizarrement, les culturalistes et pseudo-féministes ont plus d’égard pour la liberté de conscience des femmes et plus importante, pour leur liberté politique lorsqu’elles sont de milieux chrétiens, que de ‘culture’ musulmane. Pourtant, je vous prie de croire qu’il y a autant de dissensions parmi les femmes ‘orientales’ qui ne parlent pas d’une seule voix, que parmi les femmes ‘occidentales’. La domination intracommunautaire existe bel et bien.

Alors, on nous targue de vouloir imposer une norme aux femmes voilées, d’entraver à leur liberté, alors que nous consacrons leur liberté de nous contredire en les confrontant à ce sujet politique, et non normatif. Ceux et celles qui imposent leurs préceptes, ce sont les gourous communautaristes. Jusque dans les instances étatiques, l’on devrait nous imposer des pratiques féminicidaires au nom du libre choix ?

Tyrannie de la souveraineté individuelle, moi je fais le choix de me ranger du côté des femmes qui luttent pour leur liberté, l’égalité, contre les carcans phallocrato-mystiques, contre toutes les formes instituées de la phallocratie.

La Charte des valeurs québécoise est un premier pas dans une lutte de longue haleine contre les intégrismes, l’autoritarisme, et pour l’émancipation humaine qu’il revient aux citoyennes de construire sans jamais baisser la garde. Les institutions se maintiennent, mais se renouvellent également. N’en déplaise à certain-e-s, la politique est un horizon indépassable, où la domination doit sans cesse rendre des comptes. Pour la masquer, exploser à coups de litanies au nom de l’intolérance témoigne manifestement d’un refus d’assumer la pluralité dissenssuelle, distincte. Or, quand on revendique des positions phallocrates et pratiques féminicidaires en nous narguant en plus, il ne faut pas s’attendre qu’à des louanges.

© Women’s liberation without borders [2013]

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http://www.lactualite.com/opinions/charte-des-valeurs-respirons-par-le-nez/  « Pour qu’il y ait neutralité, il faut qu’il y ait apparence de neutralité. Le vêtement religieux est un langage non verbal qui exprime la foi, les croyances et le code de valeurs de la personne qui le porte et c’est pour cette raison qu’elle tient à le porter. Faire prédominer cet affichage signifie que l’on place ses croyances au-dessus des valeurs véhiculées par l’État employeur. Accepterait-on qu’un fonctionnaire nous serve avec un teeshirt portant l’inscription «Je suis athée; libérez-vous de la religion»? « 

http://www.ledevoir.com/politique/quebec/387315/laicite-quatre-mises-au-point-essentielles « Le symbole religieux introduit donc une barrière symbolique et une inégalité de fait entre les personnes qui le portent et les autres. Dans le cas du hidjab, par exemple, l’histoire nous montre que si plusieurs femmes l’adoptent volontairement, par piété ou pour des raisons identitaires, celles qui refusent de le porter sont souvent dénigrées et accusées d’être impudiques, harcelées et soumises à des pressions morales pour les pousser à s’y soumettre. »

Féminicide : Rachel Moran dénonce le calvaire prostitutionnel.

Par défaut

Rachel Moran, survivante de la prostitution, est journaliste et l’auteure de l’ouvrage intitulé Paid for : My journey through prostitution. Dans cet essai, l’écrivaine met en lumière les rouages du système prostitutionnel, et fustige par là-même la promotion médiatique, libérale, voire même socialiste de la prostitution. Brisant les mythes patriarcalistes autour de cette pratique féminicidaire, Rachel Moran nous offre un texte riche, honnête, politique et plein d’espoir pour lutter en faveur de l’abolition du servage sexuel, afin que cesse l’avilissement et l’assujettissement de la moitié féminine de l’humanité.

Je vous propose ainsi de découvrir l’interview réalisée par Meghan Murphy -auteure du site feministcurrent.com-, avec Rachel Moran, traduite en français.

                                                                    *** 

MM : Pourriez-vous commencer par expliquer la manière et les raisons pour lesquelles vous êtes ‘‘entrée’’ dans la prostitution ?

R.M : Il s’agit là du type de questions sur lesquelles l’on pourrait tantôt passer des heures, tantôt esquiver. Mais pour expliquer tout ceci de manière assez succincte, j’étais à la rue, sans domicile. J’ai dû quitter le domicile parental quand j’avais quinze ans. Ma mère et mon père avaient des troubles psychologiques. Mon père était bipolaire, maniaco-dépressif et ma mère était schizophrène. Donc, mes parents étaient internés à l’asile psychiatrique de la ville. Dès le début, les choses ne s’annonçaient pas très bien pour moi.

MM : Je vois. Vous critiquez dans votre livre l’argument selon lequel les bordels assureraient davantage la sécurité des femmes prostituées. Quand vous étiez dans le système prostitutionnel, vous avez fait l’expérience des deux. Et d’après ce que vous écrivez, il semble avez évident qu’il n’y a pas de dichotomie aussi nette que ce que l’on prétend. Est-ce que vous pourriez développer là-dessus ? En quoi, selon votre expérience, la prostitution sur le trottoir diffère-t-elle de la prostitution dans les bordels ?   

R.M : Je pense que l’idée que se font certaines personnes de la prostitution de rue -comme si elle était plus louche, sombre et dangereuse que la prostitution au sein des maisons closes-, les rassure. Cela leur donne bonne conscience. Mais ce sont des images illusoires nourries par les séries télévisées, les films, une vision théâtrale que l’on retrouve même dans les clips vidéos, ou dans je ne sais encore quelle autre production télévisuelle. Peu importe la source d’information, ce qui est sûr, c’est que tout ceci est archi faux. J’ai non seulement exercé une activité au sein des bordels et sur le trottoir, mais aussi à toutes les échelles que présentait le milieu. Quand j’étais dans les bordels, j’exerçais également dans les salons de massage, pour ne citer qu’un exemple, et ce n’était pas non plus une importante source de revenus. Je gagnais autant qu’une femme pouvait gagner d’argent à la fin des années 1990 en Irlande, alors que je travaillais comme ‘Escorte’ et comme prostituée dans les Maisons. En fait, j’ai connu tous les travers du milieu prostitutionnel : de l’échelle la plus basse, à la plus lucrative. Et honnêtement, de tout ce que j’ai vu, il n’y a rien qui ait pu me convaincre que la prostitution était autre chose qu’un cauchemar, partout, tout le temps, quel que soit l’ « échelon ». Si je devais retourner dans ce milieu ne serait-ce que pour une nuit, si je devais vraiment le faire, je passerai cette nuit sur le trottoir. Et beaucoup de personnes sont surprises lorsqu’elles entendent ça.  Mais c’est la vérité.

MM : Et pourquoi cela ?

R.M : Bon, déjà je préfèrerais mourir que de retourner ne serait-ce qu’une seule nuit dans la prostitution. Mais supposons que je le fasse. La prostitution de rue autorise les femmes prostituées à poser quelques limites. Je dis bien quelques limites, minuscules, infimes. Toujours est-il qu’elles en sont. Et l’on sait bien qu’un homme qui vous paye vingt, trente ou quarante euros, ne peut pas dépasser certaines limites que vous lui imposer de la même façon qu’un homme qui paye dix fois plus. Même si dans les salons de massage les hommes ne vous payent que deux fois plus que sur le trottoir, la sensation d’intrusion, d’agression, d’être violée croit à mesure que le prix augmente.

MM : D’accord. Alors, que répondriez-vous à ceux qui avancent que la légalisation de la prostitution, des bordels, permettraient de protéger davantage les femmes prostituées ?

R.M : Disons que je n’arrive même pas à exprimer à quel point cela me dégoûte. Car cela revient à dire que si on légalisait la violence conjugale, ça la rendrait plus ‘sûre’. Ou encore, si la loi autorisait le viol-pour des raisons obscures-, ça le rendrait moins dangereux pour les femmes. C’est l’idée la plus épouvantable qui soit sur Terre.  Je me souviens alors que j’avais entre seize, dix-sept ans, durant mes premières années dans la prostitution, les femmes prostituées discutaient de la légalisation du système prostitueur. Et cela me donnait la nausée. Je me disais : «  Mon Dieu, non, pas ça ! », j’étais contre toute syndicalisation et règlementation. L’idée qu’on pouvait rendre ce qui se passe dans ce milieu socialement acceptable, m’était insupportable. Cela m’a toujours paru funeste, tellement affreux. D’ailleurs, je savais que ça l’était, ça n’était pas juste un sentiment.

Des pays comme l’Allemagne et des villes comme Victoria en Australie, le Nevada aux Etats-Unis, et bien d’autres régions dans le monde où la prostitution est légalisée, devraient être tenus coupables pour violation des droits humains des femmes.

MM : Très bien. Dans votre livre, vous parlez de l’usage ou plutôt,  vous préconisez le non usage de termes comme  «  Call Girl », «  Escorte » ou « danseuse », pour des mots plus rudes et moins politiquement correctes tels que : « stripteaseuse », « prostituée », ou, selon vos mots, «  putain ». Je voudrais que vous m’en disiez plus sur ces termes, et la raison pour laquelle vous ne souscrivez pas aux désignations plus révérencieuses.

R.M : Ce que je n’aimais pas quand j’étais prostituée, c’est le mensonge qui entourait ces mots. Ce qui m’insupportait, c’est qu’ils étaient scrupuleusement élaborés pour cacher une vérité que je vivais chaque jour. Si des personnes m’appelaient une ‘Call Girl ‘, je leur riais au nez. Même réaction avec ‘Escorte Girl’. Je me rappelle avoir rencontré une jeune fille un jour, j’avais seize ans et elle était un peu plus vieille, puisqu’elle en avait dix-neuf. Et elle s’est présentée à moi comme une Escorte ou Call girl, je ne sais plus très bien. Et je lui répondu : «  Ah ouais ? C’est cool, je suis moi-même une putain ! ». Et je me souviens très bien son regard, marqué par la surprise et la stupeur. Elle ne pouvait pas croire que quelqu’une avait dit une chose pareille. Parce qu’il s’agissait de termes desquels nous devions nous détacher pour mieux faire passer la pilule. Je détestais être une prostituée, je hais toujours cette partie de ma vie. Mais ce que j’abhorre encore plus, ce sont les mensonges niant la réalité de la prostitution. Je ne pourrais jamais mentir à ce sujet. Et je ne tolèrerais jamais personne qui mentirait à cet égard en ma présence.

MM : Vous écrivez également que les femmes n’entrent pas dans la prostitution par hasard. Il y a toujours un élément déclencheur, quelque chose qui ne tourne pas rond dans la vie d’une femme – même de classe aisée-, pour qu’elle entre dans l’engrenage. Qu’avez-vous appris sur le passé des femmes entrant dans la prostitution, durant votre activité dans ce milieu ?

R.M : Pour commencer, ce que j’ai écrit dans mon livre consistait en effet à montrer que les femmes qui entraient dans la prostitution avaient des problèmes, quels qu’ils soient. Et cela dans toutes les classes sociales. Ce fut une vraie découverte, car je n’en n’étais pas consciente. Je pensais à tort, que seules les femmes de classes modestes comme moi, entraient dans le système. Logiquement, je croyais que les problèmes commençaient au niveau économique, et qu’il suffisait de gagner de l’argent pour en sortir. Et il est vrai que la majorité des femmes, ou des filles devrais-je dire- car le plus souvent, les femmes entrent dans la prostitution à l’adolescence-,venaient de milieu très modeste. Mais il y avait également des femmes de classe relativement aisée, qui étaient dans le milieu prostitutionnel. Il était évident qu’elles souffraient de l’intérieur. Je parle de femmes qui portaient des scarifications, qui avaient des troubles psychologiques importants. Des grandes consommatrices de drogues dures comme la cocaïne; des femmes venant de familles brisées. Tout un tas de problèmes sociaux, familiaux, ça n’en finissait plus.  

MM : Il y a une certaine position commune, surtout dans les rangs des féministes dites de la ‘ Troisième Vague’ ou ‘pro-sexe’, suggérant qu’on ne devrait pas diaboliser les prostitueurs, ou qu’on ne devrait pas cataloguer les hommes qui vont voir les femmes prostituées, comme des personnes immondes et misogynes. Quant à vous, vous affirmez que les hommes violent constamment les femmes prostituées. Qu’est-ce que ça veut dire alors ? Existerait –il des prostitueurs sympathiques ?

R.M : Tout dépend de votre définition d’un homme gentil ! Y-a-il des prostitueurs sympas … Déjà, toute la rhétorique ‘pro-sexe’, je dois vous dire, me met hors de moi. Elle me tape sur les nerfs. Je dois le dire franchement. Car si vous êtes ‘pro sexe’, alors vous ne pouvez pas être pour l’exploitation sexuelle. Si vous êtes ‘pro sexe’, alors vous devez être pour la réciprocité, le respect, et ça, ça n’arrive jamais dans la prostitution. C’est impossible. La prostitution est un domaine où règne l’unilatéralité, et c’est plus que dégoûtant. C’est tout simplement mal. Ce qui m’énerve, c’est quand on prétend que la morale ne devrait pas entrer en ligne de compte dans la prostitution. Or, moi je soutiens que la morale doit absolument entrer en ligne de compte.  Et je le dis haut et fort : la prostitution est immorale.  Pour la simple et bonne raison qu’elle porte atteinte à l’intégrité physique et psychique des femmes. Voilà tout ce qui fait de la prostitution une pratique contraire à la morale. Si les gens disent que cet aspect moral n’a rien à faire là, et bien c’est du grand n’importe quoi ! Et s’ils continuent à prétendre cela, qu’ils aillent dans un bordel trouver leur fille de seize ans, et qu’ils me disent droit dans les yeux, que la morale n’a  précisément rien à faire .

MM : Tout à fait. J’aimerais que vous explicitiez votre affirmation, selon laquelle la prostitution est un acte de viol. Que voulez-vous dire ?

R.M : Les hommes qui paient des femmes pour du ‘sexe’ les violent. Parce qu’il est absolument impossible de réduire des femmes à des objets sans les violer, sans porter atteinte à leur humanité. Pour moi, c’est clair et très simple. C’est clair, car je l’ai vécu. Je l’ai senti dans mes tripes. Je sais ce que c’est, être réduite à l’état d’objet. Je sais aussi le traumatisme que cela engendre. Les effets de cette déshumanisation sur le corps, et comment cela se répercute sur le cœur et l’esprit. Et je dois dire, je suis encore plus triste pour les femmes prostituées qui nient cette réalité, qui préfèrent se dire qu’il n’y a aucun problème avec la prostitution. Cela me fait plus encore plus mal, que celles qui savent et affrontent la dure réalité du système prostitueur.

MM : Vous avez aussi mentionné l’idée que la sexualité pouvait devenir ‘la source du mal’. Or, comme nous en avons discuté tout à l’heure, la position ‘pro sexe’ l’emporte souvent. Comme si la sexualité ou le sexe relevait totalement du domaine privé, sans aucune détermination sociale. Les groupes ‘pro sexes’ insistent sur le fait que les phantasmes ne sont pas la réalité, surtout quand il s’agit de défendre des pratiques comme la pornographie ou le sadomasochisme.  Pourriez-vous donner votre avis sur cette vision de la sexualité, en particulier cette notion de ‘mal’ que vous définissez, entourant la sexualité des prostitueurs ?

R.M : C’est une vaste question, Meghan. Je pourrais écrire quelques chapitres là-dessus ! Il y a en effet une excitation fondée sur le ‘mal’, le dénigrement. Je l’ai évidemment vu, et vécu dans mon corps. J’ai vu les impacts que cela a eu sur ma vie, et sur celles d’autres femmes prostituées. Tout simplement, cette stimulation fondée sur le mal incite à dérober l’humanité d’autrui pour jouir. Donc inutile d’être à plusieurs, ou de commettre des actes extrêmes. Cela concerne les hommes qui s’assoient et se masturbent devant un film pornographique. Et pourtant, d’aucun ne pense au fait qu’il s’agit là de scènes où des viols sont filmés. Car c’est exactement ce qu’est la pornographie : des abus sexuels sur écran. Et si l’on affirme le contraire, que ces personnes mettent le visage de leur fille, de leur sœur, ou de leur mère sur celui de la femme pornifiée. Si ces personnes s’avisaient tout de même de maintenir leur position, et bien hors de question que je leur donne raison. Je leur dirais : «  Il y a un truc qui ne va vraiment pas chez toi. Va voir un psy ! ».  C’est vraiment un sujet sur lequel je pourrais parler des heures … mais je dirais que l’on vit dans une société terrible à ce niveau-là.  Ces trente dernières années, la pornographie a donné libre cours à tous les sadismes possibles et inimaginables. J’ai lu un livre il n’y a pas si longtemps, d’un auteur qui donnait l’exemple d’une personne en train de saliver devant de la nourriture, jusqu’à en être subjugué, complètement apathique et indolent, pour comparer cela à ceux qui passent leur temps devant des films pornos. Afin de montrer qu’il y a vraiment un problème, quelque chose qui cloche.

MM : Vous dites dans votre livre que, «  lorsque l’on se prostitue, on sanctionne et on accepte un paiement pour le viol de notre propre corps ».  Encore une fois, on n’a pas l’habitude de ramener la prostitution au viol ou à des abus sexuels. Mais on a plutôt coutume de dire qu’il s’agit d’un choix, d’un acte libre, ou d’un travail comme les autres. Selon vous, pourquoi tant de femmes qui s’identifient comme des ‘travailleuses du sexe’ refusent-elles de reconnaître la prostitution comme une agression sexuelle ?

R.M : C’est très simple. Si les femmes qui s’identifient comme des ‘travailleuses du sexe’ – terme qui ne veut rien dire d’ailleurs-, affrontaient chaque jour la réalité de la prostitution, vous imaginez les dégâts. Elles iraient contre leur croyance illusoire d’indépendance. Or c’est très important pour les femmes prostituées, comme ça l’était pour moi, de prétendre avoir le contrôle. Vous devez vous accrochez à cette idée, mais vous savez que vous ne contrôlez rien du tout. Vous le savez très bien. Mais vous devez tenir le coup psychologiquement. Vous devez vous dire qu’il ne s’agit pas de viol, mais de ‘service’. Or le problème aujourd’hui, c’est que nous vivons dans une ère où le capitalisme est très puissant. Alors, les gens se disent qu’il ne peut y avoir de ‘viol moyennant finance’. En somme, selon cette perspective, dès que l’argent entre en ligne de compte, peu importe ce qui se passe, ça ne peut pas être de la domination. Surtout lorsque cela implique le ‘sexe’. C’est assez étrange. Alors que si une personne, femme ou homme, vit dans un milieu oppressant et dénigrant, c’est reconnu comme tel. Mais quand il s’agit de prostitution, tout d’un coup, le viol laisse place à la libre transaction entre parties prétendument égales. Les gens doivent vraiment s’interroger là-dessus. Parce qu’il n’y a aucun prix au monde qui puisse justifier la subordination et l’aliénation, fussent-elles sexuelles. 

MM : Bien sûr. Quand vous étiez dans le milieu prostitutionnel, aviez-vous dû adopter des stratégies pour survivre ?

R.M : Oui, évidemment, nous en avons toutes. Honnêtement, j’avais une conscience politique telle, qu’il était encore plus difficile pour moi de vivre au jour le jour. La prostitution est difficile pour chaque femme prostituée, qu’on se comprenne bien. Mais pour les femmes qui, comme moi, étaient conscientes de ce qui se passait, nous avons dû noyer notre détresse dans la drogue et le déni. Tout un tas de stratégies pour survivre. Cela n’enlève rien au fait que j’étais totalement lucide sur la nature de la prostitution, sur l’idéologie qui entoure le système prostitueur. Peut-être que lorsque j’avais quinze ans, je n’aurais pas pu vous dire clairement ce dont il s’agissait. Mais je vous aurez raconté ce que je vivais et ce que je ressentais. Toutefois, je savais dès lors qu’il s’agissait d’un différentiel de pouvoir extrême entre les femmes et les hommes.  Et c’était affreux. Je me disais que jamais je n’aurais eu à endurer tout ça, si je n’avais pas été sans abris. Donc j’avais cette intuition politique de base, pour ainsi dire. Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai détesté chaque moment que j’ai vécu dans le milieu prostitutionnel. Je me suis alors juré que, lorsque je sortirais de cet enfer, j’écrirais à ce propos. Rien ne m’empêcherait de le faire.  J’étais déterminée.

MM : Comment êtes-vous sortie de la prostitution et pourquoi ?

R.M : Eh bien, je suis partie, tout simplement parce que je ne pouvais plus rester ! Si j’étais restée plus longtemps, j’aurais sombrée dans la dépression, ou fait une overdose de drogues. J’ai quitté la prostitution en 1998, à vingt-deux ans, avec une addiction importante à la cocaïne. J’étais donc en très mauvaise santé. Mon fils avait quatre ans et demi, il commençait à peine à entrer à l’école. Me voilà aujourd’hui, cela fait quinze ans que je suis sortie de ce calvaire, dieu merci. Le temps était venu pour moi et mon fils de sortir de là, de nous libérer de cet enfer. C’était une période incroyablement difficile.

MM : Et comment avez-vous vécu l’écriture de Paid for : my journey through prostitution ?

R.M : J’ai commencé à écrire ce livre en 2002. Cela faisait trois ans et demi que j’étais sortie de la prostitution. J’avais besoin d’écrire. J’avais besoin d’exorciser toutes les épreuves que j’avais traversées. Et en même temps, il fallait que je dénonce le système, pour éveiller les consciences. Pour que les femmes et les hommes connaissent les implications de la prostitution, à travers ce que j’ai ressentie psychologiquement,  et politiquement d’un point de vue féministe. Cela m’a pris du temps pour écrire ce livre. Onze ans précisément. Il faut dire aussi, que je n’étais pas régulière dans l’écriture. J’écrivais quelques pages ou quelques paragraphes, et n’écrivais rien du tout pendant des semaines. C’était trop douloureux. J’ai accéléré le pas ces deux dernières années, après plusieurs séances de thérapies. J’avais acquis de la confiance en moi. Et, il s’est produit une étrange coïncidence, puisqu’à cette époque, on m’a invitée à participer au lancement de la campagne ‘ Turn off the red lights’ – qui regroupe soixante- dix associations irlandaises militant pour la mise en place du modèle nordique en matière de prostitution-, juste au moment où j’écrivais la fin de mon livre. C’est là que j’ai signé dans une maison d’édition. Voilà comment ça s’est passé. Le destin, en quelque sorte.  

MM : Bien. Félicitations pour ce livre absolument extraordinaire. Je le recommande, c’est un livre très poignant, magnifiquement bien écrit. Je vous suis tellement reconnaissante d’avoir écrit cet ouvrage.

R.M : Merci beaucoup, Meghan.

Paidfor

http://feministcurrent.com/7648/podcast-jackie-lynne-on-internernalized-racism-abuse-and-surviving-prostitution/ , conférence de Jackie Lynn, travailleuse sociale et survivante de la prostitution ayant mené des recherches sur le sujet depuis 1998. L’intervenante montre toute la portée systémique du féminicide prostitutionnel,  et la nécessité absolue d’abolir cet avilissement par l’adoption de mesures pénales contre les prostituteurs. Elle souligne au demeurant, la corrélation entre le racisme contre les femmes  autochtones au Canada, et ses répercussions au sein même du système prostitueur.

En tout état de cause, une lutte acharnée contre l’impunité des féminicides doit être menée pour mettre un terme à cette pratique au cœur de la phallocratie détruisant la moitié féminine de l’humanité  https://beyourownwomon.wordpress.com/2013/08/09/contre-limpunite-des-feminicides-2/  

© Women’s liberation without borders 2013

Protégé : Féminisme, politique et démocratie.

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